Comment la traduire ?
L’utilisation abusive de cette injonction, ancrée dans notre culture, est l’illustration d’un mal-être profond.
“Yokkal feem” disent-ils.
Ton mari te trompe ? “Fait toi plus belle, plus sensuelle, surpasse toi”.
Il a fait un enfant à une autre ? “Est-que tu le satisfait au lit ? Est-ce qu’il mange assez ?” “Remet toi en question”.
Il veut divorcer ? “Concocte lui un bon repas, parfume la chambre, met une nuisette, étale quelques pétales de roses, et le tour est joué”.
“Yokkal feem”, ou comment tenter de régler de façon totalement superficielle, de vrais problèmes de couples. Et pourtant, vous trouverez ce “conseil” sur toutes les pages sénégalaises où des femmes viennent demander de l’aide. Où elles font part de leur douleur. Celle-ci sera niée, ignorée par beaucoup.
À en croire certaines pages facebook, “Mougneul” ( Prend sur toi), et “Yokkal feem” ( un genre de ” Prend mieux soin de lui/soit plus coquette)”, sont les principales solutions que l’on donne face à n’importe quel problème de couple dans ce pays.
Que l’on conseil plus de communication, des compromis, je veux bien. Lui conseiller de se calmer, une “prière de consultation”, à tout cela je dis oui. Aussi, je ne suis pas naïve au point de penser que les rapports physiques ne jouent pas de rôle dans un mariage.
Mais c’est étrange comment ce “Yokkal feem” revient à chaque fois, avant quoi que ce soit. À un point où je lis les commentaires sous certains postes la boule au ventre, prête à lire les pires inepties rétrogrades.
On a l’impression que pour certains, la femme en tant qu’individu n’existe pas. Elle n’existe que par ce qu’elle apporte au mari, même si pour cela elle doit se briser, éteindre en elle toute flemme d’expression. Et dans ces “certains”, j’ai aussi l’impression qu’ironiquement, la majorité sont d’autres femmes, qui l’une l’autre se confortent dans cette triste illusion.
Un mariage demande des efforts extrêmement importants, de la patience, des compromis, des sacrifices même, certes. Mais que fait-on ici de la communication, de la compréhension, du dialogue ? Le problème n’est donc pas uniquement la vision de la femme, mais aussi la vision du couple. Il ne s’agit pas d’ignorer les conflits, mais d’apprendre à y faire face. Il s’agit aussi de savoir quand le respect n’est plus présent.
Bien triste est la vie de celle qui pense que son corps suffira à retenir son homme longtemps. Bien triste est la vie de celle dont le seul objectif dans la vie est de retenir un homme, et non pas d’évoluer ensemble, à deux.
Plusieurs d’entre nous ont eu à lire l’article du Monde Afrique, titré ” Les armes de séduction massive des dakaroises.”, publié il y a déjà un petit moment.
En voilà un extrait :
“Le désir et le plaisir de l’homme sont au cœur de ce dispositif, mais ne sont pourtant pas l’aboutissement d’une relation sexuelle. Elle se traduit souvent, le soir ou le lendemain, par un cadeau à l’épouse : des tissus, un parfum ou, fréquemment, de l’argent. Rendre le contre-don (dello njukkal), remerciement (sargale), décoration… les noms donnés à ces cadeaux sont explicites : le mari honore son épouse par un don en raison du plaisir qu’elle lui a procuré.”
Je ne sais pas si je suis la seule à voir deux facettes à cet article. Si certaines parties sont intéressantes, d’autres me paraissent extrêmement réductrices, et me laissent avec un sentiment d’inconfort. La coquetterie ne serait pour la sénégalaise qu’un moyen d’obtenir une réconciliation superficielle, ou de l’argent. Le plus triste, c’est qu’en faisant un tour sur nos forums, c’est ce que l’on nous montre souvent. Serait-ce donc vrai ? J’espère – naïvement ? – que non.
La femme sénégalaise est pourtant tellement plus que ça. Elle se doit d’être plus que ça. Sa coquetterie est belle, et non vulgaire. Elle est gracieuse et préserve son intimité. Elle doit être réfléchie, pas au service aveugle du besoin de se faire aimer, peu importe le prix.
J’aime la démarche des femmes de chez moi, j’aime la malice dans leurs yeux. Mais quand notre culture devient un moyen de nous enfermer par des attentes surréelles, il faut savoir dire stop. Le plus triste est que l’on en est au point où se sont les femmes elles mêmes qui encouragent ces attentes, qui pressent leurs soeurs de se faire plus belles pour régler leurs problèmes.
Expliquons à nos soeurs, nos filles, nos amies, que tout ne se trouve pas là. Battons nous pour ne pas tomber dans le superficiel. La femme sénégalaise ne peut se permettre de limiter son mariage aux bin-bin et thiouray.
Et cela commence par nous mêmes, par la prise de conscience de ce que nous valons et surtout par la compréhension de ce qu’est une dynamique de couple saine.
*** Mood du Jour ***
Ironiquement, j’écris cet article en admirant mon thiouray brûler, les veloutes de fumée se fondant dans l’air. Chaque respiration est un pur plaisir.
Dehors, un temps parfait pour écouter H.E.R
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