«Si tu fais des études trop longues, tu ne trouveras jamais un mari, à moins que tu veuilles un toubab. »
«Tu risques d’intimider les hommes.»
«Quel homme voudrait d’une femme qui passe son temps à débattre et contredire ? »
Voilà quelques-unes des phrases que je vois souvent flotter dans l’air pendant mes discussions avec certains hommes sénégalais, ou même femmes sénégalaises.
Quand il s’agit des femmes, c’est le plus souvent la fameuse tante éloignée, vous savez, celle qui vous demande «Tu n’es toujours pas mariée ? », ou qui insiste pour te défriser les cheveux, en gros qui a toujours des remarques à faire sur tes choix de vie.
Dans un de mes précédents articles, j’avais fait remarquer que dans la société sénégalaise actuelle, autoriser une femme à travailler ne signifiait pas qu’on en attendait moins d’elle dans la gestion du foyer, cela ne signifiait pas qu’on la libérait d’une charge. Au contraire, le moindre faux pas sera encore plus facilement relevé «Elle ne s’occupe pas assez de son mari et de ses enfants, makhala toujours au boulot, tu vois comment ses enfants commencent à mal tourner».
C’est à peu près pareil pour les études, on accepte désormais bien plus facilement qu’une jeune fille se lance dans les études mais attention, pas trop non plus. Il ne faudrait pas faire fuir un potentiel mari. Il ne faudrait pas trop vouloir s’échapper de son rôle préétabli. Et surtout, il ne faudrait surtout pas que les études t’empêchent d’accomplir le plan auquel la société t’a malgré tout prédestiné : être une épouse et mère parfaite.
C’est une sorte d’hypocrisie sociale qui te murmure «Tu peux être intelligente, mais juste un peu ».
Quand quelqu’un demande à une jeune femme si elle n’a pas peur de faire fuir les hommes en faisant de trop hautes études, ou en aimant tout simplement débattre, je rigole intérieurement.
Ils ne comprennent pas que les hommes qui ont peur de nous parce que nous avons choisi de pousser loin notre éducation constituent exactement le type d’homme dont on ne veut a.b.s.o.l.u.m.e.n.t pas. Pour moi ce type homme a un manque de confiance et d’ambition extrême.
Ils manquent de confiance car ils ont besoin de sentir que leur femme est soit disant «inferieure», afin de se sentir homme, se sentir puissant. Ils ont peur d’une femme capable de leur signifier leurs torts, capable de ne pas être d’accord avec eux. Ce qui est assez étrange comme peur, car la critique constructive est pour moi la seule manière d’avancer, à partir du moment où tout se fait dans le respect de l’autre. Ils en arrivent à avoir peur des femmes capables de les pousser vers l’avant.
Ils manquent d’ambition car ils ne s’imaginent pas tout ce qu’un couple peut construire lorsque le soutient est mutuel. Ils ne comprennent pas tout ce dont une femme, africaine, éduquée, consciente des enjeux du monde dans lequel elle vie, est capable.
Ils veulent une femme qui cachera leurs imperfections plutôt que d’en parler afin de devenir quelqu’un de meilleur. Ils veulent sauver les apparences et refusent d’aller en profondeur.
Et franchement, ils ont le droit de vouloir une femme qui leur correspond. Mais qu’ils ne viennent pas questionner les femmes qui ne veulent pas d’eux, celles qui cherchent plus.
Alors non, je n’ai pas peur de me retrouver seule soit disant parce que je parle trop ou parce que j’ai certaines ambitions. Je n’ai pas peur de faire fuir qui que ce soit. Je ne suis pas une «féministe aigrie». Je ne veux simplement pas sacrifier mes ambitions pour une société qui de toute façon, me critiquera, me jugera, et attendra le moindre faux pas avec un petit sourire.
Les hommes véritables, ceux qui connaissent le Pouvoir de l’éducation chez une femme, le Pouvoir d’une discussion, ceux qui savent à quel point l’intelligence est sexy, ces hommes-là ne fuient pas.
PS : Au moment même où je mettais un point final à cet article, je reçois un message de ma mère, ou elle partage avec moi un article de Jeune Afrique intitulé «Cinq africaines qui ont réussi à percer le plafond de verre », qui fait la présentation de quelques femmes africaines évoluant dans des milieux dominés par les hommes.
Merci à l’univers pour ce petit signe.
***** Mood du Jour *****
J’ai écrit cet article confortablement installée sous ma couette (merci au climat de Londres) bercée par un petit “Throw Back” Musical.
Il s’agit du titre “My Feeling” de Bideew Bou, un groupe sénégalais. La chanson parle en résumé d’un retour aux sources, un attachement à l’Afrique et ses multiples cultures, plus particulierement la culture Peulh.
J’aime particulièrement le rythme à partir de la première minute à peu près, obtenu à partir de rythmes traditionnellement Peulh, et le clip est très agréable.
Enjoy.
Dessin illustratif de l article : Betti Banshee, Pintarest
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