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Photo du rédacteurSama Queendom

Toubab bu ñuul : Pas assez africain ?

«Toubab bu ñuul», ( à lire “Toubab bou gnoule) se traduirait littéralement par quelque chose du type “Le Blanc qui est noir” en Wolof. C’est en général le terme que l’on utilise au Sénégal pour qualifier un compatriote que l’on pense trop «blanc » dans son comportement. A noter qu’ici, dans l’expression wolof, l’on se réfère au sénégalais noir, ou plus largement parfois l’africain noir. Le noir américain ne serait pas vraiment concerné par exemple.

Cette expression, c’est un peu la version sénégalaise du «Roh mais c’est un Bounty lui ». Vous savez, le Bounty, cette barre chocolatée, noire à l’extérieure, blanche à l’intérieure. Et franchement niveau goût il y a mieux aussi, tant qu’à nous comparer à de la nourriture, trouvez quelque chose de bon.

Bref, vous voyez un peu. J’ai eu droit à ce qualificatif depuis petite, chose qui m’avait toujours intrigué. Je n’avais jamais vécu ailleurs qu’au Sénégal, j’avais toujours été à l’école sénégalaise, comment pouvais-je être autre chose que Sénégalaise ? Mais j’ai compris au fur et à mesure que certains ont une petite liste dans leur tête, de choses « Pas assez africaines », et vont tranquillement te faire passer un Test d’Africanité, tout au long de ta vie.

La première chose sur la liste est la langue. Apparemment, trop « bien » parler français, c’est un gros « No » sur ton dossier, re-ca-lé, ndeyessane. Plus sérieusement, je comprends tout à fait l’importance de la langue dans le processus identitaire. Et personnellement je pense qu’une des raisons pour lesquelles notre système éducatif continue à sombrer, c’est qu’il y a des millions d’élèves sénégalais qui ne s’identifient pas au français et ont beaucoup de mal à travailler avec une langue qui, structurellement, est diamétralement opposée à leur(s) langue(s) maternelle(s), et n’est souvent pas aussi imagée et pratique.

Mais cela ne veut pas non plus dire que lorsque l’on a été dans un environnement qui a pu nous permettre d’ apprendre la langue française correctement, l’on devient moins sénégalais. Cela ne veut pas dire que l’on aime moins sa langue et sa culture. On en revient à créer des «Degrés d’Africanité» sur des critères purement subjectifs, pour essayer de voir si X est plus africain que Y, créer des divisions superflues là où l’Unité dans le travail est requise.

Et si vous êtes une femme et que vous avez certaines idées que l’on considérera comme  « trop progressistes », c’est souvent aussi un « No » sur le Dossier d’Africanité. On vous dira peut-être qu’il vous faudra un Toubab comme mari, on remettra en cause vos qualités de « Femme Africaine ». Trop « rebelle », vous discutez trop, votre esprit critique gêne.

Un autre critère qui pour moi est l’un des plus absurdes, concerne mes cheveux. Parce que j’ai décidé de porter mes cheveux crépus, l’on m’a dit que c’était un truc des « Noirs d’Europe », que le défrisage était la norme « africaine ». Ironique, n’est-ce pas, de considérer le cheveu crépu comme non-africain ? Et à l’autre extrême, d’autres vont rapidement se jeter sur les femmes africaines aux cheveux lisses pour leur crier qu’elles non plus ne sont pas assez africaines. God, can we get a break ? A croire que personne n’est jamais assez satisfait de ce que l’on est en tant que Femme Noire Africaine. La liberté de choisir qui l’on veut être, c’est ce qui est le plus important

Se plaindre du fonctionnement de nos administrations, être à cheval sur la ponctualité, aimer le maquillage/habillement discret, aimer la lecture, encore tant de critères cochés sur mon dossier au fil des années.

Parmi les multiples remarques, je me rappelle particulièrement de celle d’un taximan, l’année dernière à Dakar. Il m’entend parler français avec mon amie, à l’arrière du taxi, et me demande de « rajouter quelque chose » au prix convenu. Lorsque je lui demande pourquoi, il nous dit que vu la manière dont nous parlons français, nous sommes des Toubab, et sûrement riches. Là encore,ça va, je trouve ça juste amusant comme remarque, je m’y attendais à la limite. Mais vient la phrase qui me fait peur : « Les vrais sénégalais, ce sont ceux qui, comme moi, ne sont pas allés à l’école, et donc ne parlent pas un mot de français ».

Alors non Tonton, avec tout mon respect, aller à l’école ne rendra personne moins sénégalais. A ce moment, je me suis demandé si ce taximan avait des enfants, et s’il les avait scolarisé. Je me suis demandé combien de personnes pensaient, comme lui, qu’aller à l’école effaçait forcément ce qu’il y avait d’africain en nous. Tout dépend évidemment du programme enseigné, et de la manière de l’aborder. Nos systèmes éducatifs et leur contenu sont un tout autre sujet

Mais cette façon qu’il y a de qualifier de «Toubabé» des choses qui pourtant devraient simplement être Humaines, je ne la comprends pas. Et surtout, je refuse que quelqu’un veuille me dire ce que je suis ou ce que je ne suis pas. Je n’ai pas de quotient d’Africanité, je me contente d’être moi.

Et Dieu sait que je suis passionnée par mon continent et amoureuse de son Histoire. J’aime la lecture, et particulièrement la littérature africaine. Et je parle français, le plus souvent pour défendre des idées et valeurs propres à ma Culture. Ma langue maternelle, je l’aime, j’aime son histoire, j’aime en apprendre plus sur Elle, et j’essaye autant que possible de ne pas m’en éloigner et de la promouvoir dans le futur.

Alors si des traits de ma personnalité font de moi une « Toubab » aux yeux de certains, tant pis. Mon cœur bat au rythme de mon continent, et il restera mon Début et ma Fin, mon Ciel et ma Terre. Je resterai une Marième avant tout, et je continuerai de me considérer comme une somme d’expériences, de rencontres, de lectures, bien trop diverses pour être enfermées dans une petite case.

*** Mood du Jour ***

Mon Mood du Jour c’est « Bibia Be Ye Ye » de Ed Sheeran. C’est pour moi l’illustration de ce qu’un voyage a de beau, de tout ce qu’il peut engendrer : un anglais se rend au Ghana et est inspiré par les rythmes qu’il y découvre. Le résultat est léger, rythmé et ensoleillé. «Bibia Be Ye Ye» signifie «Tout ira bien», en langue Twi. Ed a travaillé avec mon cher Fuse ODG pour produire cette musique.

Enjoy.


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