Féminisme. Lâchez ce mot sur n’importe quelle page facebook africaine, et vous déclencherez pas mal de commentaires. Il est certain que beaucoup de ces commentaires comprendront les termes “influence occidentale” “Contre notre culture” “brainwashing”, et j’en passe.
Cela m’a toujours intrigué, ce retrait direct que l’on a parfois, même nous, femmes africaines. D’où vient-il ?
J’ai aussi ce réflexe parfois, ce recul. Un genre de ” Hmmm vais-je vraiment m’exprimer sur ce point ? Est-ce que moi-même je suis fixée là dessus ?”. Je n’en suis jamais sûre. En fait, on a l’impression de prendre un énorme risque, le risque de l’exclusion sociale. Le risque d’être fichée : “La toubab bu nuul féministe”.
Le soucis c’est que l’on pense, l’on intègre, qu’il existe un Féminisme, unique : le féminisme blanc et occidental. Le “White Feminism“, qui trop souvent n’admet que ses propres normes, et au final oppresse d’autres femmes. En tout cas, c’est ce qui me dérange.
Le féminisme que l’on voit le plus souvent, sur les télévisions occidentales, je ne m’y suis jamais vraiment retrouvée, il y avait toujours quelque chose qui ne collait pas. Cela ne veut pas dire que je ne lutte pas pour les droits des femmes. Mais certaines choses en particulier ne correspondront jamais à ma vision des choses, bien que je comprennes tout à fait que ces luttes correspondent à d’autres femmes.
Tout est plus complexe quand je prends en compte ma culture, mes valeurs, mon Histoire en tant que femme noire africaine.
Je vais donner un exemple : il y a quelques mois, en trainant sur des pages féministes pour lire les commentaires , il y avait un poste sur…le voile. Le fameux. Ce bout de tissu qui matérialise le soucis que j’ai avec trop de femmes qui pensent avoir le monopole de la pensée libre. Dans ces commentaires, plusieurs d’entre elles dénonçaient cet instrument machiavélique, qui lave le cerveau des pauvres musulmanes que nous sommes.
Elles ne sont pas les seules à penser comme ça. À se penser toutes puissantes, à pouvoir décider qui est soumise et qui ne l’est pas. Ne parlons même pas des femmes racistes qui se disent féministes. Hm…
Je précise tout de même que oui, il y a beaucoup de féministes qui pratiquent l’intersectionnalité des luttes, mais elles ne sont pas représentées dans les média que l’on voit chez nous. Et surtout, il faut admettre que l’application large de l’intersectionnalité au féminisme en France est relativement récente. Ma génération est la première à la vivre ici.
Du coup, en voyant certaines féministes occidentales, je peux comprendre que des femmes africaines se disent “Hm, ma soeur, on a pas les mêmes problèmes déh”. C’est une autre échelle, d’autres réalités, une autre culture.
Alors, on cherche d’autres mots. On cherche le moyen de s’éloigner de ce féminisme qui semble rejeter nos valeurs, notre manière de voir le monde. On dit “Je défends le droit des femmes” ou “Je suis pour l’émancipation de la femme”, pour ne pas dire de gros mots. Effectivement, en utilisant ces mots, vous serez sûrement mieux reçue que si vous disiez juste “Je suis féministe”. Aïe. Là, je vois déjà la famille vous fusiller du regard et vous lancer que vous ne trouverez jamais de mari, encore une fois.
Le Féminisme Africain a toujours existé guys. On a attendu personne. Tout dépend de ce que votre esprit vous renvoie quand vous entendez ce mot. Tout dépend de votre connaissance de notre histoire.
Quand j’entends ” Féminisme”, je pense à la Grande Royale dans L’Aventure Ambigüe, personnage qui fait référence à une figure politique ayant vraiment existé.
Je pense à Njinga Mbandi, la célèbre reine du royaume de Ndongo ( actuel Angola).
Je pense à Khadija, qu’Allah l’agrée, première femme du prophète, très grande commerçante connue pour son intelligence et ses prises de décision.
Je pense Chimamanda Ngozie Adichie,
Je pense Abena Busia,
Je pense à ma mère,
Ma grand-mère,
Mes tantes.
Je pense à des dizaines et dizaines de femmes. Je pense à toutes celles qui sont voilées par choix et qui font tout pour qu’on les laisse vivre. Je pense à toutes celles qui sont voilées de force et qui font tout pour qu’on les laisse vivre.
Il suffit de chercher pour les trouver, ces modèles qui nous ressemblent. Nous retrouver. Alors faisons nos recherches.
Appelez cela comme vous voulez, mais pour moi les femmes africaines ont depuis très longtemps mené leur combat. Pour atteindre leur but, elles ont eu à briser des plafonds de verre, détruire des murs d’acier, des idées reçues, des critiques. Elles ont changé une manière de voir, ont appris des choses à d’autres personnes sans le savoir. Elles ont fait évoluer la situation, et pour cela, elles se sont battues pour leurs droits, en tant que femme, à Être.
Une chose qui m’exaspère , est ce truc qu’ont trop d’hommes africains, à sortir l’exemple des ” Femen” pour parler du féminisme comme étant uniquement une arme de Brainwashing occidental.
Bruh.
Comme si elles avaient le monopole de la parole féministe libre. Ils s’imaginent qu’on pense toutes exactement comme cela. Comme si nous n’avions pas les capacités intellectuelles nécessaires pour lutter par nous mêmes, avec nos mots et nos propres armes. Comme si cela devait forcément venir d’ailleurs.
Et si moi, je vivais mon Féminisme différemment ? Dans mes actes et décisions de tous les jours, dans mes choix ? Si vous souhaitez considérer comme ” Féminisme” uniquement ce que l’Autre vous montre, grand bien vous fasse. Mais cela ne s’applique pas à tous.
On en est malheureusement au point où l’africain a tellement absorbé cette idée selon laquelle le féminisme serait uniquement occidental, qu’il fuit dès que le thème est abordé. C’est dommage. C’est une faiblesse, de reculer de nouveau à cause d’une idée qui nous serait imposée une fois de plus.
Mais je comprends. Je comprends toutes ces femmes qui ont peur de dire ” Je suis féministe”, même en combattant les droits des femmes. Elles ne veulent pas d’étiquette, elles ne veulent pas qu’on les rattache directement à une vision du combat qui n’est pas la leur.
Pour moi, il n’y a pas un seul féminisme. Ils sont multiples, heureusement. Complexes. Défendre le fait que le féminisme serait une “valeur occidentale”, c’est leur donner le monopole de la pensée libre, c’est penser qu’ils ont tout inventé, et ont tous les pouvoirs. Et surtout, c’est mal connaître l’histoire de l’Afrique ( un autre soucis by the way).
Oui, il existe un Féminisme Occidental fort, le nier serait pour moi nier les spécificités culturelles de chaque zone. Mais je ne vois pas pourquoi, moi, jeune femme africaine, je devrai intégrer que seul ce féminisme est valable, et que je n’ai pas le droit de me revendiquer d’un autre type de féministe.
Chimamanda a elle même déclaré que le féminisme de Beyonce n’était pas son féminisme à elle, qu’ils étaient différents, certaines causes sont différentes. Elle l’assume, bien qu’elle ai collaboré avec Beyonce justement pour parler de féminisme. C’est pour moi un parfait exemple de la pluralité des luttes.
On nous demande des justifications, encore, toujours.
Je vie, je me bats, je combats. Je n’ai pas besoin de justifier quoi que ce soit,
My life is a testimony.
*** Mood du jour ***
Ces temps-ci, je me sens forte, parce que je me sens en équilibre. Alhamdulilah. Aimée, aimante, bénie d’être entourée de si belles personnes dans ma vie, et tellement heureuse de m’aimer.
Lizzo, la chanteuse ci-dessous, est l’illustration même du Self Love. Vous allez donc la voir de plus en plus souvent par ici.
Et oui, je sais, j’avais disparu depuis un mois. Le visa, le retour en France, le début du master. Vous voyez un peu ?
Mais il fallait que je revienne cette semaine.
Cette semaine, cela fait déjà un an que ce blog existe. Alors je voulais remercier chaque lecteur, chaque partage, chaque like, chaque lecture silencieuse, chaque encouragement, chaque critique constructive.
Je suis toujours surprise, depuis mon retour en master, de croiser des gens à qui je n’ai jamais vraiment parlé, me dire qu’ils me lisent, qu’ils s’y retrouvent. Cela me fait chaud au coeur et me montre qu’au final, il suffit souvent de s’exprimer pour voir que personne n’est seul.
Merci pour tout.
Comments